Ces morts à la con : Rois de France et linteaux de portes

On ne meurt qu’une fois, disait Molière, et c’est pour si longtemps… Ce serait dommage de rater son départ et de devenir, a posteriori, la risée du monde. Si vous vous appelez David Grundman, ça passe (je n’ai pas dit ce nom au hasard, vous irez chercher ), mais si vous êtes un personnage important, ça craint un max. Les biographes s’en donnent à cœur joie, pendant que l’entourage essaie désespérément d’inventer un prétexte bidon pour ne pas rougir de honte pour les 100 ans à venir. Parfois, il vaut mieux se faire assassiner. L’autre fois, je parlais du roi Suédois mort de sa boulimie. Aujourd’hui, on va parler de deux autres rois, morts à plusieurs siècles d’intervalles, terrassés par le même ennemi, le linteau de porte.

Un linteau de porte, pour ceux qui n’ont jamais vu de portes (auquel cas, je me demande bien où vous habitez), c’est la partie située au dessus d’une porte et qui sert à éviter que les murs s’effondrent. Souvent faite en bois, elle peut aussi être faite en pierre, et ornée de motifs sculpturales. Généralement, ces motifs se résumaient au blason ou aux devises des propriétaires de la maison, mais pouvaient aussi être de véritables œuvres d’art comme les linteaux des églises.

Vous devez vous dire : « Oui, c’est bien gentil ton truc coco, mais comment tu peux tuer des gens avec ça » ? Bah, y’a deux écoles. La première école dite « Louis III », et la deuxième dite « Charles VIII ». Oui, les deux sont des rois de France. Pour la fierté nationale, on repassera.

Charles VIII et Louis III, victimes d'une même malédiction

Charles VIII et Louis III, victimes d’une même malédiction : les portes

  • Louis III : La donzelle de trop

Louis III est né au 9e siècle, entre 863 et 865. Fils du roi Louis le Bègue, il hérite, en 879, du trône de Francie Occidentale. Alors âgé d’environ 15 ans, il ne peut pas gouverner seul, et se retrouve placé sous la protection de plusieurs seigneurs, notamment un Auvergnat, Bernard d’Auvergne. Ce détail ne sert à rien, mais je voulais parler un peu de l’Auvergne. Il sera couronné le 4 septembre 879, en même temps que son frère Carloman II. Entre les deux frères, la bonne entente régnait, mais cela n’empêcha pas le règne d’être relativement raté. Attaqués de toutes part, par les Vikings et par les bourguignons, ils durent menés bataille sans cesse pour conserver l’intégrité de leur royaume. Le 30 novembre 879, ils remportent la Bataille de la Vienne contre les vikings, une victoire éclatante qui repoussa quelque temps l’ennemi… le temps d’aller tanner leur grand-oncle Boson de Provence, et de récupérer le comte de Macôn après la bataille de Crêches-sur-Saône (aout 880). Et voilà qu’en 881, les vikings remettent le couvert en saccageant Amiens. Un peu véner, les deux frères lèvent une armée pour aller démonter les gêneurs. C’est un succès : à Saucourt en Vimeu, 8000 vikings sont tués.

 Après cette victoire, les affaires commencent à aller mieux pour les deux frères. En 882, Louis III est en négociation avec Hasting, le chef Viking, qui était prêt à accepter le titre de Comte de Chartres à condition de bien vouloir cesser de buter tout le monde. Malheureusement, Louis III était un con. Sans doute, il fut un bon chef militaire, et aurait pu être un roi assez compétent. Mais il était jeune, insouciant et assez stupide. Comme tout jeune homme, Louis aimait les jolies femmes. Et en tant que roi, il se permettait quelques légèretés que l’on appellerait aujourd’hui harcèlement sexuel.

Le 5 août 882, alors qu’il se promène à cheval, il aperçoit une jolie demoiselle, fille d’un certain seigneur Germond. C’est tout ce que le temps nous a laissé pour l’identifier, nous respecterons donc son anonymat. Frappé par sa beauté, et poussé par ses hormones, il héla la jeune femme et la gratifia de propos qui furent suffisant pour la faire fuir. Quelque chose du genre « Hé madame, tu sais que t’es trop bonne ! », mais en plus moyenâgeux certainement. La fuite de la donzelle ne ralentit pas les ardeurs du jeune roi, qui décida de la poursuivre. Éperonnant son cheval, il s’élance à sa poursuite et commet une fatale erreur de calcul. Une porte placé sur le chemin était trop basse pour un homme à cheval : Il s’éclate le crâne contre le linteau en pierre, et meurt sur le coup. Bien fait.

Avant de passer au deuxième roi mort à cause d’une porte, je me sens obligé d’ajouter deux morts stupides en lien avec l’histoire précédente :

  1. Carloman II, le frère  et héritier du royaume de Louis III, mourra en 884, tué par un coup involontaire donné par un de ses vassaux lors d’une chasse au sanglier, ce qui est relativement ballot
  2. Hasting, le chef viking, deviendra finalement Comte de Chartres, mais après la mort de Louis III, car les négociations entamée furent poursuivis. Il revendra son comté en 892, pour acheter 80 navires et attaquer l’Angleterre : il disparaitra dans la Manche en 893, sur l’un de ces 80 bateaux.

Maintenant, venons en à notre deuxième roi, Charles VIII

  • Charles VIII : Sortir par la petite porte

Charles VIII est né le 30 juin 1470. Il est le seul fils de Louis XI à dépasser l’âge d’un an, et ce malgré sa constitution fragile. Inquiet pour santé, son père le fait chouchouter, au point de négliger son éducation. Mais il ne se contente pas de le chouchouter, il l’utilise aussi comme jouet politique : avant d’avoir 13 ans, Charles a été fiancé 3 fois, à 3 dames différentes, et dans un but politique différent. La dernière, Marguerite de Bourgogne, n’à que 3 ans lorsqu’elle arrive à la Cour. Vous avez dit glauque ? Oui, un peu.

A 13 ans, Charles devient roi, sous la tutelle d’Anne de France. Mineur, il ne joue pas un grand rôle politique avant sa majorité. Mais quand celle-ci arrive, il s’empresse de rattraper le temps perdu. En 1491, il répudie sa jeune fiancée, avec qui il s’entendait pourtant bien, dans un but politique : celui d’épouser Anne de Bretagne, afin de rapprocher de duché de la France. C’est mal barré puisque celle-ci est déjà promise à un autre. Ce n’est pas un problème pour Charles, qui décide d’assiéger Rennes, jusqu’à ce qu’elle accepte de l’épouser. C’est pas super romantique, mais ça fonctionne. Une fois l’alliance conclue, il projette son regard d’un autre coté : le royaume de Naples.

En 1494, Ferrante d’Aragon, roi de Naples, meurt sans héritier légitime. Charles VIII voit là l’occasion rêvé de faire usage de ses droits sur le Royaume de Naples, obtenus en 1481, par héritage. Il se déclare roi de Naples. Sauf que, pas de bol, le Pape déclare le fils bâtard de Ferrante, Alphonse II, roi légitime. Pour les français, ca sent mauvais. Malgré, tout, Charles VIII entre en Italie, se rend jusqu’à Naples et se fait couronner en 1495. Sauf que après ça, tout se corse. Les ducs italiens retournent leur vestes, et Charles VIII est obligé de rentrer fissa en France. Après ce cuisant échec, ses ardeurs de conquérants retombèrent. Il ne mourra finalement pas au combat…

Le 7 avril 1498, Charles VIII est au château d’Amboise, avec son épouse Anne de Bretagne, qui a accouché, il y a peu. L’accouchement s’est mal passé : la fille était mort-née. Désireux de distraire son épouse, il lui propose d’assister à une partie de Jeu de Paume. C’est avec enthousiasme que les deux époux traversent le château pour se rendre à la galerie Hacquelebac, ou la partie a lieu. Ils débouchent dans un couloir, qui sert aussi de pissotière aux habitants du château, et franchissent une porte basse. Enfin non, ils ne la franchissent pas tous. Charles VIII ne se baissent pas assez et percute le linteau de pierre. Étourdi par le choc, mais pas embêté pour autant, il poursuit son chemin, et assiste aux premiers échanges. Et soudain, il s’écroule. On essaie de le relever, on lui parle, mais il s’avère incapable de répondre. Le Roi est emporté dans ses appartements, les médecins se succèdent et ne savent que faire. L’un d’entre eux ordonne une saignée, comme si cela allait changer quelque chose. Évidemment, cela ne fait rien, et le Roi de France s’éteint vers 23h, terrassé par un linteau de porte en pierre…

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